Pendant plusieurs années, Charles travailla dans une boîte de nuit pompeusement appelée Igitur, sorte de restaurant « poétique » où un animateur qui se donnait des airs de fils spirituel d’Antonin Artaud présentait une anthologie déprimante et laborieusement déclamée dans laquelle il refilait sans vergogne l’intégralité de ses propres productions avec, pour tenter de les faire passer, l’insuffisante complicité de Guillaume Apollinaire, Charles Baudelaire, René Descartes, Marco Polo, Gérard de Nerval, François-René de Chateaubriand et Jules Verne. Ce qui n’empêcha pas le restaurant de faire enfin faillite.
Charles Berger est maintenant à la Villa d’Ouest, restaurant boîte de nuit proche de la porte Maillot, d’où son nom, qui présente un spectacle de travestis et qui appartient à un ancien animateur d’un réseau de ventes au porte-à-porte qui se fait appeler Désiré, ou, plus gentiment encore, Didi. C’est un individu sans âge et sans rides, portant moumoute, affectionnant les mouches, les chevalières, les bracelets et les gourmettes, s’habillant volontiers de complets de flanelle impeccablement blancs, de pochettes à carreaux, de foulards en crêpe de Chine et de chaussures de daim mauves ou violettes.