Jusque vers l’âge de quatorze ans, Anne consacra la plus grande partie de ses heures de loisir à dessiner les plans de sa tour, calculant son poids et sa résistance, vérifiant sa portée, étudiant son emplacement optimal — Tristan da Cunha, les Crozet, les Bounty, l’îlot Saint-Paul, l’archipel Margarita-Teresa, et, pour finir, les îles du Prince-Edouard, au sud de Madagascar — et se racontant dans tous leurs détails les sauvetages miraculeux qu’elle rendrait possibles. Son goût pour les sciences physiques et pour les mathématiques se développa à partir de cette image mythique, ce mât fusiforme émergeant des brouillards givrés de l’océan Indien.
Ses années d’hypotaupe et de taupe, et le développement des télécommunications par satellite vinrent à bout de son projet. Il n’en reste qu’une photographie de journal la montrant, âgée de douze ans, posant devant la maquette qu’elle passa six mois à construire, une aérienne structure de métal, faite de 2 715 aiguilles de pick-up en acier maintenues par de microscopiques points de colle, haute de deux mètres, aussi fine qu’une dentelle, aussi déliée qu’une danseuse, et portant à son sommet 366 minuscules récepteurs paraboliques.