Histoire de l’homme qui voulut faire fortune en important des peaux, 21

 

Au bout de deux ans, atteint de fièvres, Ferdinand Gratiolet dut être rapatrié. Sa conviction intime était que l’étain du Haut-Boubandjida ne serait jamais exploitable de façon rentable. Par contre il avait vu dans les régions qu’il avait traversées abondance de bêtes de toutes espèces et de toutes variétés et cela lui donna l’idée de se lancer dans le commerce des peaux. À peine revenu de convalescence, il liquida son paquet d’actions et fonda une société d’importation de peaux, fourrures, cornes et carapaces exotiques, qui se spécialisa très vite dans l’ameublement : la mode était alors en effet aux descentes de lit en fourrure et aux meubles de rotin gainés de zorrino, d’antilope, de girafe, de léopard ou de zébu ; une petite commode de pitchpin avec des garnitures en buffle se vendait facilement 1 200 francs et un miroir psyché de Tortosi serti dans une carapace de trionyx avait trouvé preneur à Drouot pour 38 295 francs !

L’affaire démarra en 1926. Dès 1927, les cours mondiaux des cuirs et peaux amorcèrent une descente vertigineuse qui devait durer six ans. Ferdinand refusa de croire à la crise et s’obstina à augmenter ses stocks. À la fin de mille neuf cent vingt-huit, la totalité de son capital était bloquée, pratiquement non négociable, et il ne pouvait payer ni les transporteurs ni les frais de garde. Pour lui éviter une faillite frauduleuse, Émile le renfloua en vendant deux des appartements de son immeuble dont celui où s’installa alors Bartlebooth. Mais cela ne servit pas à grand-chose.