Histoire du poète Jean-Baptiste Rousseau, 22

 

La recension des Reliques du Golgotha fut faite en 1718 par le poète Jean-Baptiste Rousseau qui, banni de France à la suite de la sombre affaire des couplets du Café Laurent, était alors secrétaire du prince Eugène de Savoie. Ce prince, qui se battait pour l’Autriche, avait l’année précédente repris Belgrade aux Turcs. Cette victoire succédant à plusieurs autres mit provisoirement fin au long conflit qui opposait Venise et les Habsbourg à la Porte et la paix fut signée le 21 juillet 1718 à Passarowitz, l’Angleterre et la Hollande faisant office de médiateurs. C’est à l’occasion de ce traité que le sultan Ahmed III, croyant se concilier les bonnes grâces du prince Eugène, lui fit parvenir tout un lot de reliques majeures provenant d’une cachette pratiquée dans une des murailles de SainteSophie. Le détail de cet envoi nous est connu par une lettre de Maurice de Saxe — qui s’était mis sous les ordres du prince pour apprendre le métier des armes qu’il connaissait pourtant déjà mieux que quiconque — à sa femme la comtesse de Loben : « … Un fer de la Sainte Lance, la Couronne d’épines, les courroies et les verges de la Flagellation, le Manteau et le Roseau dérisoires de la Passion, les Saints Clous, le Très Saint Vase, le Sindon et le Très Saint Voile. »

Nul ne savait ce que ces reliques étaient devenues. Aucun trésor d’église d’Autriche-Hongrie ou d’ailleurs ne s’en glorifia jamais. Le culte des reliques, après avoir été florissant pendant tout le Moyen Âge et la Renaissance, commençait alors à sérieusement se ternir et il était vraisemblable de penser que c’était avec une intention de dérision que le prince Eugène avait demandé à JeanBaptiste Rousseau de recenser toutes celles qui étaient alors vénérées.