Dans la première de leurs chambres vécut jadis pendant environ deux ans un curieux jeune homme qui s’appelait Grégoire Simpson. Il était étudiant en histoire. Pendant quelque temps il travailla comme sous-bibliothécaire adjoint à la Bibliothèque de l’Opéra. Son travail n’était pas d’un intérêt fabuleux : un riche amateur, Henri Astrat, avait légué à la Bibliothèque une collection de documents qu’il avait constituée pendant quarante ans de sa vie. Passionné d’opéra, Henri Astrat n’avait pratiquement pas manqué une première depuis mille neuf cent dix, n’hésitant pas à traverser la Manche, et même, en deux ou trois occasions, l’Atlantique, pour aller écouter Furtwängler diriger Le Ring, la Tebaldi chanter Desdémone ou la Callas Norma.
À l’occasion de chaque représentation, Astrat constituait un dossier de presse auquel venaient s’ajouter le programme — abondamment dédicacé par le chef et les interprètes — et, selon les cas, divers éléments des costumes et des décors : les bretelles violettes de Mario del Monaco dans le rôle de Rodolfo (La Bohème, Covent Garden, Opéra de Naples, 1946), la baguette de Victor de Sabata, la partition de Lohengrin annotée par Heinz Tietjen pour la mise en scène historique qu’il en donna à Berlin en 1929, les maquettes d’Emil Preetorius pour les décors de cette même représentation, le moule de faux marbre que Karl Bôhm fit porter à Haig Clifford pour le rôle du Commandeur dans le Don Giovanni qu’il monta au Mai Musical d’Urbino, etc.