Hélène n’avait jamais vu les assassins d’Antoine ; elle avait seulement entendu leur voix lorsque, deux jours auparavant, ils déclarèrent tranquillement à son mari qu’ils reviendraient lui faire la peau. Mais elle n’eut aucun mal à les identifier : c’étaient les deux frères Ashby, Jeremiah et Ruben, accompagnés comme à l’accoutumée par Nick Pertusano, un nain vicieux et cruel dont le front s’ornait d’une tache indélébile en forme de croix, de couleur cendre, et qui était leur âme damnée et leur souffredouleur. En dépit de leurs doux prénoms bibliques, les Ashby étaient des petites frappes redoutées dans toute la région, qui rançonnaient les saloons et les diner’s, ces wagons aménagés en restaurants où l’on pouvait se nourrir pour quelques nickels ; et, malheureusement pour Hélène, ils étaient les neveux du shérif du Comté. Non seulement ce shérif n’arrêta pas les assassins, mais il chargea deux de ses adjoints d’escorter Hélène jusqu’à Mobile et lui déconseilla de remettre les pieds dans la région. Hélène parvint à fausser compagnie à ses gardes, alla jusqu’à Tallahassee, la capitale de l’État, et déposa une plainte auprès du Gouverneur. Le soir même un caillou fit voler en éclats l’une des vitres de sa chambre d’hôtel. Un message contenant des menaces de mort y était attaché.