Au début des années soixante, peu de temps avant qu’ils n’emménagent rue Simon-Crubellier, ils firent la connaissance, dans une pizzeria de la rue des Ciseaux, d’un singulier personnage : un avocat neurasthénique, d’origine hollandaise, installé en Indonésie, qui avait été pendant des années représentant à Djakarta de plusieurs sociétés commerciales et qui avait fini par créer sa propre compagnie d’export-import. Connaissant remarquablement toutes les productions artisanales de l’Asie du Sud-Est, n’ayant pas son pareil pour échapper aux contrôles de douane, court-circuiter les compagnies d’assurances et les transitaires, et éviter le fisc, il bourrait à longueur d’années trois navires délabrés de coquillages malais, de mouchoirs philippins, de kimonos de Formose, de chemises indiennes, de vestes népalaises, de fourrures afghanes, de laques cinghalaises, de baromètres de Macao, de jouets de Hong-Kong, et de cent autres marchandises de toutes espèces et de toutes provenances qu’il redistribuait en Allemagne avec un bénéfice de deux à trois cents pour cent.