Bibliothèque

 

J’aime beaucoup cette image du puzzle : par exemple les écrivains qui m’entourent, qui m’ont nourri, que ce soit Butor ou Joyce, Kafka ou Melville, dessinent pour moi une sorte de constellation avec au centre (ou sur les bords) une pièce vide qui est celle que je vais remplir. C’est-à-dire que mon univers littéraire est fait de tout ce que j’ai lu et ingurgité, de tout ce qui m’a ému et et donné envie d’écrire. Aussi l’ensemble de mes livres finira par dessiner une figure unique qui sera mon envie d’écrire, qui sera cette espèce de voracité envers les mots que j’aurais déployée pendant le temps de mon existence […] D’ailleurs ce livre (La Vie mode d’emploi) en contient lui-même plusieurs autres qui sont laissés au lecteur qui peut les reconstituer, qui peut jouer avec les énigmes. Et cette idée d’un livre ouvert est très importante pour moi : qu’il soit en quelque sorte inachevé, en porte-à-faux.[…] Il faut qu’on puisse rêver sur le livre et qu’on ait envie de jouer avec, de recommencer quelque chose d’un autre ordre.

(Georges Perec)