Histoire de la cantatrice russe, 6

 

Née en Russie aux débuts du siècle, Véra Orlova — c’est sous ce nom qu’elle demeure connue des mélomanes — s’en enfuit au printemps dix-huit et s’installa d’abord à Vienne où elle fut l’élève de Schönberg au Verein für musikalische Privataufführungen. Ayant suivi Schönberg à Amsterdam, elle se sépara de lui quand il retourna à Berlin, vint à Paris et y donna à la Salle Érard une série de récitals. Malgré l’hostilité sarcastique ou houleuse d’un public manifestement peu habitué à la technique du Sprechgesang, et avec le seul soutien d’une petite poignée de fanatiques, elle parvint à faire figurer dans ses programmes, principalement composés d’airs d’opéras, de lieder de Schumann et d’Hugo Wolf et de mélodies de Moussorgsky, quelques-unes des pièces vocales de l’École de Vienne qu’elle fit ainsi découvrir aux Parisiens. C’est lors d’une réception donnée par le comte Orfanik à la demande de qui elle était venue chanter l’air final d’Angelica dans l’Orlando d’Arconati

Innamorata, mio cuore tremante,                                                                                  Voglio morire…

qu’elle rencontra celui qui devait devenir son mari. Mais réclamée partout avec de plus en plus d’insistance, entraînée dans des tournées triomphales qui duraient parfois une année entière, elle vécut à peine avec Fernand de Beaumont qui, de son côté, ne quittait son cabinet de travail que pour aller vérifier sur le terrain ses hasardeuses hypothèses.

(Extrait CH. VI, Chambres de bonne, 1)

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