Ancien combattant des Brigades Internationales, Troyan avait été emprisonné pendant presque toute la guerre au camp de Lurs, dont il avait réussi à s’évader fin 1943 pour entrer dans le maquis. Il était revenu à Paris en 1944 et après quelques mois d’intense activité politique, était devenu libraire d’occasion. Son magasin de la rue Lepic n’était en fait qu’un porche d’immeuble un tout petit peu aménagé. Il y vendait surtout des livres à un franc et des petites revues déshabillées — du genre Sensations, Soirs de Paris, Pin-Up — qui faisaient saliver les lycéens. A trois ou quatre reprises, il lui était passé par les mains des affaires plus intéressantes : les trois lettres de Victor Hugo, par exemple, mais aussi une édition de 1872 du Bradshaw’s Continental Railway Steam Transit and General Guide et les Mémoires de Falckenskjold, précédés de ses campagnes dans l’armée russe contre les Turcs en 1769, suivis de considérations sur l’état militaire du Danemark et d’une notice de Secrétan.